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Blog de Bernard Mathonnat

23 janvier 2019

CONTRIBUTION AU GRAND DEBAT ET A LA REDACTION d’un Véritable manifeste Pour l’établissement d’une véritable Politique culturell

 

 

 

 

CONTRIBUTION AU GRAND DEBAT

ET A LA REDACTION

 

d’un Véritable manifeste

Pour l’établissement d’une véritable Politique culturelle

et

D’Education Populaire,

Moteur d’une société Démocratique en mouvement

 

 

 

 

 

« L’éducation populaire, c’est l’ensemble des moyens qui permettent de donner à tous les hommes l’instruction et la formation nécessaires afin qu’ils deviennent des citoyens aptes à participer activement à la vie du pays. »

Benigno CACERES dans “ Histoire de l’Education Populaire ” (Seuil 1964)

 

 

 

 

Avant propos

 

 

 

 

Compte tenu de l’urgence de la situation ce texte s’appuie sur mon expérience professionnelle et sur des exemples vécus durant mon parcours personnel ; il est aussi très étayé par de nombreuses citations du dernier livre de Pierre Rosanvallon « notre histoire intellectuelle et politique 1968 – 2018 ». Cette modeste contribution à la réflexion générale, urgente à mon sens, me semble illustrer d’une manière pragmatique et concrète les réflexions qu’il développe dans son livre. Mais surtout cet ouvrage m’a permis de mieux construire mon propos. Ce texte a par ailleurs été relu voire amendé par un ami militant de toujours Jacques Bourgeois.

 

 

 

 

 

 

 

 

« Il fait froid dans le monde

ça commence à se savoir

et il y a des incendies qui s’allument dans certains endroits

parce qu’il fait trop froid

traducteurs, traduisez »…

 

COMME A LA RADIO (1969)

 

Brigitte Fontaine, Areski Belkacem

 

 

 

 

 

 

 

Tentative de définition de l’Éducation Populaire

 

 

 

 

L’éducation populaire est un processus qui doit permettre individuellement et collectivement d’affirmer sa dignité, de s’entre-éduquer, de prendre conscience des rapports sociaux et de mettre en marche une force collective apte à imaginer et agir pour la transformation sociale en se dotant des outils nécessaires à la construction d’un esprit critique s’exerçant  même sur sa propre démarche. Ce n’est en aucun cas un endoctrinement. Ce n’est pas réductible à de la simple animation socio-culturelle, ni à une forme de « citoyenisme ».

 

Tout au long de la vie, en parallèle et en complément des systèmes éducatifs et d’apprentissages, elle utilise toutes les techniques d’éducation  actives connues afin d’analyser de la manière la plus objective possible, les situations et les acquis, en s’appuyant notamment sur le droit à l’expérimentation du réel par le vécu.

 

Il ne s’agit pas de refonder la politique culturelle et d’éducation populaire car cela voudrait dire que les valeurs fondatrices qui présidèrent à son instauration, depuis la Révolution Française avec Condorcet jusqu’aux conquêtes de la Résistance, ne seraient plus valables !

 

Il s’agit bien au contraire de revendiquer et d’exiger pour notre pays le rétablissement de la culture comme épicentre de la construction d’une société plus juste et l’éducation populaire comme moteur de la construction de citoyens plus responsables, plus autonomes, capables justement de mettre en mouvement, de mettre en marche  notre société et de dépasser les blocages et les immobilismes. Car les choix politiques actuels sont à nouveau l’application de principes anciens et contrairement à leurs habits neufs, peu inventifs. La théorie du ruissellement date de la fin du XIXème siècle et a depuis été battue en brèche par des économistes sérieux : si l’eau ruisselle bien vers le bas, l’argent lui, remonte plus vite qu’il ne descend et reste en haut !...

 

Il ne s’agit pas de surestimer l'importance du culturel dans la dynamique économique et sociale d'une ville ou d'un territoire ou d’un pays donné.  La profondeur et le rayonnement de la culture allemande humaniste et artistique n’ont pas empêché le fascisme et la Shoah. Cependant l’explosion actuelle de la vie associative et notamment dans le domaine culturel, nous confirme que la demande sociale à l'égard de la culture est trop forte pour qu'elle puisse être considérée comme accessoire.

 

L’acquisition des valeurs véhiculées par la culture doit se faire aussi en dehors de l’école parce que cette acquisition ne se vit pas uniquement comme un « devoir » mais passe par des chemins de traverses plus ludiques, basés sur la notion de plaisir afin de lutter contre le délétère « c’est trop compliqué, ce n’est pas fait pour moi ! » 

 

Tout d'abord l'action culturelle et l'action socioculturelle ont des fonctions différentes et complémentaires qu'il ne faut pas confondre mais qu’il faut mettre en synergie.

 

L'action culturelle part de "l'objet créé", d'un processus de création, de la démarche d'un créateur, d'une écriture, d'un monde, d'une subjectivité qu’elle essaie de faire partager à des publics en donnant à voir, "à goûter", en amenant les publics à aimer, à attiser leurs goûts par comparaison des plaisirs, à comprendre, à "intussusceptionner" autrement dit : à comprendre, et à incorporer par l'intérieur comme Marcel Jousse le définit dans son « Anthropologie du geste » (édition libre électronique Resma -  Gallimard)

 

L'action socioculturelle part de ce qu'elle croit comprendre de la réalité des publics, de leurs envies réelles ou supputées (car ces publics n'ont pas toujours les moyens d'exprimer clairement leurs souhaits).Elle part de ces démarches formulées ou non et fait progresser ces publics en leur permettant de réaliser leurs envies, en leur proposant de s'approprier leur démarche. Ce sont par exemple des ateliers de pratique amateur qui dans le cadre d’une pédagogie active doivent éviter les jugements de valeurs et les comparaisons qualitatives.

 

Il ne s'agit nullement, comme dans les années 70 d’opposer les deux démarches et encore moins de les hiérarchiser (Pédagogie directive et non directive - dialogue Michel Simonot et Pierre Gaudibert).

 

Il ne s'agit nullement de faire en sorte que l'une supplante l'autre comme dans le début des années 80 où l'on a eu tendance à oublier les pratiques amateurs et les publics, où l'on a assisté à une surenchère élitiste dans des démarches essentiellement esthétisantes.

 

La forme suppléait le fond en trouvant son apothéose dans le "post-modernisme" et dans ses dérives financières.

Il ne s'agit pas non plus de faire faire par l'un ce que fait l'autre, on se tromperait d'objectif.

 

Respectons ces deux approches, reconnaissons-leur à chacune leurs réussites et leur indispensable complémentarité.

Ces deux démarches remises en synergie sont constitutives de la démarche d’éducation populaire.

 

Par là même, le pouvoir central et les pouvoirs locaux seraient bien inspirés si réellement ils souhaitent mettre en mouvement la société pour retrouver enfin des citoyens qui s’engagent, en s’appuyant sur les démarches de l’éducation populaire et les outils qu’elle à sû mettre en place et expérimenter.

 

Construire une politique culturelle et d’éducation populaire c’est être collectivement capable :

 - de réaffirmer les valeurs fondamentales qui doivent présider à leur mise en place,

- de se mettre d’accord  sur un socle intangible permettant la construction de formes diverses et parfois contradictoires,

-  de tirer un bilan et d’analyser les pourquoi des dysfonctionnements  et des erreurs commises,

- d’accepter et d’assumer la mise en place de contre-pouvoirs au cœur même du système comme garantie de son bon fonctionnement et comme carburant indispensable à la construction d’une société plus juste et plus humaine, en somme d’accepter l’altérité,

- de s’appuyer sur l’analyse de l’évolution de la société fournie par de nombreux experts dans tous les domaines afin d’être capable de s’adapter à une vision prospective et de favoriser la créativité sociale,

 - de revendiquer les moyens financiers afin de mettre en place les outils et les structures permettant dans leur fonctionnement au quotidien, le développement de ces pratiques collectives nouvelles ; ces moyens étant considérés non comme une dépense  mais comme un investissement indispensable à la mise en mouvement de la société.

- de considérer ces pratiques comme moteur de l’évolution sociétale, donc de contribuer sur un temps long à  leur donner des moyens financiers suffisants.

- de revenir à des conventions pluriannuelles en instaurant des  évaluations régulières pour chaque convention.

 

 

Réaffirmer les valeurs de l’éducation populaire ?

 

Qui peut de nos jours en dehors de l’extrême droite, remettre en cause les objectifs de l’éducation populaire et de l’action culturelle menée par les principales structures culturelles de notre pays ?

L’éducation populaire, c’est permettre, dans un cadre laïque, à chaque individu, dès la petite enfance, dans une démarche volontaire personnelle ou collective, en complément de l’Education Nationale, d’acquérir les outils de compréhension, d’analyse et de connaissance des principaux savoirs culturels et scientifiques. Cette compréhension lui donne la possibilité d’être autonome et libre dans ces choix, d’être un citoyen à part entière pouvant individuellement comme collectivement contribuer s’il en a le désir, à l’évolution de la société. Cette démarche participe de la construction de sa propre personne dans un environnement si possible maîtrisé grâce à des raisonnement rationnels, n’interdisant pas les élans poétiques de l’imagination, le recours à des symbolismes essentiels voire même transcendantaux  indispensables à la créativité de tous et de chacun.

 

 

Ces processus culturels et d’éducation populaire développent par ailleurs les capacités à l’altérité, à l’amitié entre les peuples, le sens de la tolérance en faveur des minorités raciales et sur le plan religieux s’il reste dans le domaine du privé. Ils développent également le rejet de « l’européocentrisme » comme de tout impérialisme culturel ou colonisation des esprits notamment par les formes diverses du nationalisme, du communautarisme et de l’hégémonisme.

 

 

 

 

Se mettre d’accord sur un socle fondamental et intangible ?

 

Vu l’urgence de la situation et la dégradation à laquelle nous assistons en Europe, il est urgent, me semble-t-il, de se rassembler et de faire front.  Mais rassembler qui et autour de quelles valeurs fondamentales ?

 

Ce rassemblement doit se structurer autour du creuset de la conception moderne de l’éducation populaire découlant de la définition proposée par Condorcet dans son rapport de 1792 «  de l’organisation générale de l’instruction publique », qui constate le partage des humains en deux catégories : ceux qui raisonnent et ceux qui croient (la notion de classe ayant évolué depuis la publication du « Capital »).

 

Il devient urgent de regrouper dans une même démarche volontariste, aussi bien les courants de pensée issus des premières associations laïques d’éducation populaire (l’Association Polytechnique autour d’Auguste Comte et la Ligue de l’Enseignement de Jean Macé) que ceux  découlant du Front Populaire, du mouvement  personnaliste qui a rejoint la Résistance malgré les ambiguïtés et les contradictions de l’école d’Uriage. Ces contradictions ont d’ailleurs fait l’objet d’analyses controversées, celles du réseau Voltaire, non sans arguments mais peut être un peu radicales face à la complexité de la situation et celles rapportées dans « Les hommes d’Uriage » de Joffre Dumazedier ( La Découverte).

 

De fait il faut retrouver l’esprit de Résistance qui a présidé à la naissance des Francas et de Peuple et Culture et comme le fait remarquer Franck Lepage «  A la libération, les horreurs de la seconde guerre mondiale ont remis au goût du jour  des idées simples» (remarque qui me semble particulièrement actuelle) « la démocratie ne tombe pas du ciel, elle s’apprend et s’enseigne »

 

Et nous pouvons dire, comme Pierre Rosanvallon « la démocratie n’est jamais acquise c’est un combat permanent ». Elle doit s’expérimenter dès le plus jeune âge et non pas d’un point de vue seulement théorique !

 

C’est là où l’éducation populaire se différencie de l’Education Nationale, par le ludique, en réintégrant la notion de plaisir, à l’inverse de l’exercice et du devoir. Rien ne vaut mieux  que l’expérimentation du réel par le vécu.

Nous connaissons une période de montée des populismes, de perte des repères, d’errance du système libéral de gauche comme de droite qui brouille les différences entre la droite et la gauche.

 

Emmanuel Macron en donne une définition à des élèves  « …la droite c’est l’affirmation comme valeur fondamentale de la liberté, la gauche de l’égalité… », lui étant là pour recoller les morceaux de la devise nationale  « Liberté, Egalité Fraternité » ! C’est oublier que pour les droites françaises, jacobines ou bonapartistes, le pouvoir c’est avant tout la défense des valeurs traditionnelles, de l’autorité et de la sécurité alors que pour la gauche le pouvoir politique doit permettre le mouvement vers l’égalité dans la liberté.

 

La période actuelle nous semble un temps tout aussi dangereux que les années qui ont précédé la seconde guerre mondiale.

 

Aussi, plutôt que d’en rajouter dans les divisions entre la gauche et les « vrais  républicains » je prêche pour l’urgence d’une alliance républicaine de tous les courants de pensée autour d’un socle commun qui se trouverait dans l’objet de « l’éducation populaire ».

 

L’éducation populaire, en tant que creuset de citoyenneté a été abandonnée par l’Etat et un trop grand nombre de nos collectivités territoriales depuis de nombreuses années. Le bébé a été jeté avec l’eau sale du bain en confondant la fonction et le contenant.

 

Ils ont même participé involontairement et parfois sciemment à la faire disparaître en la ringardisant en lui empruntant des formes édulcorées en prétendant là moderniser. Ainsi furent crées de nouvelles  formes de participation citoyenne qui ont été des échecs bien plus criants et dangereux qui ont participé à l’éloignement des citoyens du politique et du militantisme, tellement le décalage était grand entre le discours et la réalité des faits !

 

Ces attaques ont commencé en 1969 avec Joseph Comiti  qui procéda à  l’éclatement de la Fédération Française des MJC qui comptait à cette époque près de 1500 maisons adhérentes, favorisant la création d’une fédération autonome qui en regroupa plus de 600.

 

Or cette alliance républicaine a déjà existé comme le faisait remarquer Pierre Laurent lors de la convention de son parti en octobre 2018 autour de « culture et éducation populaire ».

 

En effet, elle a existé au moment du gouvernement provisoire de 1944, essentiellement autour de l’importance des enjeux culturels et du combat pour l’établissement  d’une politique culturelle au niveau de l’Etat. En gros ce consensus a tenu bon en mal an jusqu’au début du deuxième septennat de François Mitterrand.

 

Cette alliance républicaine résultait d’un accord tacite entre le Parti Communiste, le mouvement gaulliste et les républicains résistants. La scission du Ministère de la culture au moment de sa création par André Malraux, en renvoyant au ministère de la Jeunesse et des Sports le secteur de l’éducation populaire changea profondément la donne et fut  le début du mécanisme de broyage des valeurs de l’éducation populaire et de ceux qui en était historiquement les porteurs.

 

Dans la conception de la culture du Parti Communiste de l’époque, il serait intéressant d’analyser ce qui était commun avec la droite dans cette défense du « Dieu Créateur » car il faut le reconnaître, ces deux familles politiques et les villes qu’ils administraient seront les principaux acteurs de la décentralisation culturelle amorcée par le front populaire et que Jean Zay aurait voulu développer davantage.

 

Pierre Bourdan mettra bien en place en 1947 un « Ministère de la Jeunesse, des Arts et des Lettres », ce qui permettra à Jeanne Laurent d’enclencher le grand mouvement de la décentralisation culturelle avec la création du festival d’Avignon, du TNP et des premiers Centres Dramatiques Nationaux.

 

Mais lorsque Malraux crée le Ministère de la Culture en 1959, tout en poursuivant l’effort de décentralisation avec la création des Maisons de la Culture, il entérine la séparation de l’éducation populaire d’avec les « Arts nobles» en refusant tout dispositif pédagogique, tout en proclamant son désir de démocratiser la culture.

En laissant la pédagogie à l’éducation populaire, préférant le « choc artistique » pour des publics éduqués, il opère d’une manière pernicieuse une séparation de classe.

 

En livrant en un mot, la meilleure part du gâteau à ceux qui sont déjà dotés des outils de compréhension des œuvres de l’esprit, il contribue à créer ainsi des générations de frustrés dans les couches défavorisées de la population ainsi que chez les animateurs  du côté de l’éducation populaire !

 

Simultanément et d’une manière non moins pernicieuse, en accentuant le contrôle de l’action culturelle par l’Etat, il pense affaiblir l’influence du Parti Communiste auprès des artistes et des intellectuels !

 

Avec le recul de l’histoire nous ne pouvons que malheureusement constater l’efficacité de cette intention.

 

Malgré les efforts incontestables du Parti Communiste pour maintenir des liens privilégiés avec les intellectuels et les créateurs, le stalinisme, les évènements de Hongrie, l’invasion de la Tchécoslovaquie, l’effondrement de la Russie et du mur de Berlin, la montée du libéralisme, la marchandisation de la culture, mai 1968, la société du spectacle, l’éclatement des idéologies et également la politique du Parti Socialiste qui avec François Mitterrand, a cherché à réduire l’influence du Parti Communiste, tout cela achèvera l’œuvre amorcée sous Malraux ! Et cela sans compter les nombreuses erreurs stratégiques et politiques de ce parti.

 

Le tableau n’est guère plus flatteur pour les fossoyeurs du socialisme. Les acquis du Conseil National de la Résistance et ceux du premier septennat de Mitterrand sont systématiquement remis en cause. Dans ce contexte, la gauche socialiste ne produit plus de réflexion nouvelle, les uns se focalisent sur la trahison du PS, les autres cherchent des accommodements pour se maintenir au pouvoir en se « macronisant »…

 

Aussi il nous incombe, à « nous », acteurs de la société civile, de reprendre le combat pour plus de liberté, plus de dignité, pour l’avènement d’une démocratie sociale la plus vivante possible cœur de la revendication de mai 1968 !

 

Mai 68 qui fut récemment dénigré par Nicolas Sarkozy qui affirmait qu’il fallait y trouver l’origine du culte de l’argent roi, du profit à cour terme et de la spéculation. Mai 68, matrice des dérives du capitalisme financier, rien de moins ! Quel magnifique retournement hégélien !

Il s’inspirait de l’essai critique de Luc Ferry et Alain Renaut  paru en 1988 (La Pensée 68, Gallimard) qui mettait dans le même sac de l’anti-humanisme aussi bien Althusser, Bourdieu, Derrida, Deleuze que Lyotard, Lacan et Foucault, excusez du peu ! Depuis, Luc Ferry après une fulgurante et insignifiante carrière ministérielle s’est recyclé comme chroniqueur mondain sur radio Classique.

Avec le recul du temps, l’on peut se demander qui a marqué la pensée intellectuelle de notre époque par sa pertinence et son impertinence, certes pas ces deux jeunes kantiens qui réglaient leur compte aux maîtres pour se faire une place au soleil médiatique...

 

Mais à vrai dire nous ne comptions vraiment pas sur eux pour faire une analyse critique et prospective ouvrant une réflexion pour gagner de nouveau pans de liberté!  

 

Malheureusement ce dénigrement s’est installé non seulement dans l’opinion publique de droite mais aussi et c’est plus grave, dans celle de gauche…

 

Jean-Pierre Chevènement a exprimé à son tour la convergence de sa pensée avec les thèses de Renaut et Ferry. Il permettait ainsi indirectement à l’extrême droite, de reprendre l’argument selon lequel cette génération de  soixante-huitards avec son tropisme libéral a tourné le dos au peuple ! Il réalise ainsi, « c’est t’y pas merveilleux ! », un détournement/retournement sans recul ni humour de la critique prémonitoire  du gauchisme par les situationnistes, repris à l’époque par le PCF coutumier de ce type d’amalgame…  La boucle est bouclée…

 

Comment s’étonner dès lors du désintérêt d’un grand nombre pour les partis politiques, les syndicats et de toutes démarches institutionnelles ?

 

Or l’explosion d’initiatives et d’alternatives depuis ces années dans le pays semble nous dire que ce combat n’a jamais été abandonné et qu’il ne demande qu’à se fédérer comme l’illustre d’une manière quotidienne  sur France-Inter l’émission « Carnets de campagne ». Des combats parfois difficiles dans le champ de l’industrie, à l’image des ouvriers de « Fralib » ou des « Lejaby » rappellent celui de leurs grands ainés les Lip…. 

 

De telles initiatives qui contestent radicalement le fonctionnement de notre société en expérimentant de nouvelles pratiques n’ont rien a voir avec le mouvement des « gilets jaunes » qui s’appuie uniquement sur une accumulation de mécontentements compréhensibles sur la dureté du coût de la vie, déclenchés par l’augmentation des taxes sur l’essence, alors que des cadeaux fiscaux énormes ont été fait aux plus riches et sont perçus comme tel, n’évoquons pour mémoire que la  suppression de ISF et le maintien sans contrepartie du CICE.  

 

Toutefois, ces initiatives comme le mouvement des gilets jaunes, ne dessinent aucune perspective sociétale et ne se situent pas dans une démarche d’acquisition d’une plus grande liberté citoyenne et démocratique ! Par contre, elles illustrent crûment et d’une manière dramatique l’incompréhension du politique. Ce n’est pas tant l’impôt en lui-même qui est rejeté mais la façon inégalitaire dont il frappe les contribuables. Les classes aisées ont tout un arsenal de moyens pour échapper à l’impôt, les multinationales font le choix de l’optimisation fiscale et au final ce sont les moins favorisés, les classes moyennes qui sont le plus lourdement taxés. La société libérale a perdu le sens républicain de la redistribution des richesses au profit de tous !

 

Ce mouvement de révolte illustre également l’inégalité entre les habitants du centre des grandes villes et les habitants des territoires périurbains et ruraux, territoires souvent désertés par les principaux services publics, de l’emploi productif et éloignés de tout moyen de transport, condamnant ses habitants à l’utilisation quotidienne d’un véhicule ou à la marche à pied !

 

Cette situation avait été d’une manière prémonitoire annoncée dans les années 1980 par la publication du « Dictionnaire de la déraison dans les arts, les sciences et les métiers - éditions de l’Encyclopédie des nuisances par Jaime Semprun », à l’origine revue « post situationniste » dirigée d’abord par François Martin puis par Jaime Semprun. Certains textes publiés alors s’en prenaient au dérives du modernisme, en défendant un courant « anti-industriel », critiquant notamment la recherche du toujours plus vite au profit de quelques uns et au détriment des territoires. Nous percevons aujourd’hui avec acuité, les conséquences des choix politiques et financiers des classes dirigeantes, comme l’abandon par la SNCF de nombreuses lignes secondaires au profit du TGV par exemple ! Les articles de réflexion édités dans cette encyclopédie avaient prédit aussi le pillage des centres villes riches par les jeunes péri-urbains sans accès à ses biens…

 

Ces constats sont un écho des plus actuels à l’actualité.

 

Là encore, l’on peut constater le malaise de nos politiques, en particulier de ceux  qui sont au pouvoir et qui ont cru pouvoir se passer de la concertation avec les fameux « corps intermédiaires »  entre l’état et le citoyen. « L’on a forcément raison pour tout le monde puisque l’on a eu l’onction des urnes ! », en oubliant que seulement 25% des inscrits au premier tour ont voté Emmanuel Macron et 44 % au second tour (dont 43 % pour faire barrage à la candidate de l’extrême droite)…

 

La France Insoumise et le Rassemblement National réclament la dissolution de l’Assemblée Nationale et celle du Président dans la foulée, convergence des slogans sans perspective, car ces organisations ne sont pas de même nature.

Triste constat qui démontre une fois de plus l’égarement de nos structures de gauche, la misère de la réflexion intellectuelle et la faiblesse des propositions de nos courants progressistes qui courent derrière l’événement en essayant de le récupérer.

 

Tout continue comme avant et rien ne change pour le plus grand bonheur de la pensée réactionnaire et des courants populistes, qu’ils soient de gauche ou de droite !

 

Toutefois, il ne suffit pas d’analyser l’effervescence de ces petites communautés aux intérêts miniaturisés et fourre-tout où le sens du collectif s’efface au profit de la sphère privée pour rendre compte de la profondeur de la crise que notre société traverse.

 

Or, si comme nous l’affirmons dans ce texte, la culture et l’éducation populaire doivent être au cœur de la mise en mouvement des forces sociales, il faut adopter une toute autre attitude et d’autres revendications si l’on veut fonder un positionnement révolutionnaire et dangereux pour le pouvoir en place.

 

« Il est temps, comme le fait remarquer Pierre Rosanvallon dans son derniers livre, de prendre au sérieux les populismes et de les considérer comme une proposition de réponse consistante au désenchantement démocratique contemporain et l’entrée dans un nouveau temps des inégalités. » ( Notre histoire intellectuelle et politique 
1968-2018 – Pierre Rosanvallon – Les livres du Nouveau Monde)

 

 

Il fait remarquer d’ailleurs que la prospérité de ces mouvements est clairement indexée sur les inachèvements et les dysfonctionnements des Démocraties existantes autant que sur le désordre social lié à l’avènement de formes inédites de capitalisme.

 

 

Car le terme de populisme est maintenant fièrement revendiqué et ne fait même plus peur malgré ce qui se passe en Italie, en Hongrie ou en Autriche… Le populisme s’affirme comme un projet de régénération de la Démocratie jugée asphyxiée, confisquée, et dévoyée, ce qui ne peut être contesté !

 

 

D’où la nécessité de mettre en œuvre dans notre champ d’activité, les instruments et nouveaux mécanismes de transformation institutionnelle (la réflexion sur la 6ème République est encore fort mal définie), en proposant les outils culturels et socioculturels d’expérimentation, de formation et de mise en pratique d’une nouvelle « autogestion », refondant le lien social dont la culture et l’éducation populaire doivent  être le creuset de la conception.

 

 

C’est ce qu’expriment les nombreuses actions d’associations dans des domaines aussi variées que l’économie solidaire, l’écologie, les circuits courts, les magasins participatifs… Constats et inquiétudes que reflètent nombre de créations contemporaines dans tous les domaines : théâtre, cinéma, arts plastiques, musiques actuelles… Seul le secteur de la musique classique par nature n’aborde pas ces problématiques, ce qui ne veut en aucune façon dire que ses praticiens ne partagent pas ou ne sont pas sensibles à ces préoccupations.

 

 

Pour cela il nous faut donc reconstruire un socle solide pour établir une véritable politique culturelle et d’éducation populaire utile à la mise en œuvre d’une vraie Démocratie propice à l’épanouissement de chaque individu dans un monde plus juste et en prise avec la situation quotidienne du plus grand nombre.

 

Un monde réellement en mouvement, « en  marche », contrairement à l’immobilisme constaté et contrairement aux annonces faites pendant la campagne, est à notre sens possible.

 

Car nous constatons le refus évident de tout changement en profondeur des paradigmes et méthodes du pouvoir. Le nouveau gouvernement, notamment autour de la notion de pouvoir et de concertation a des pratiques de même nature que ses prédécesseurs. En simplifiant : c’est à prendre ou à laisser.

 

La verticalité du pouvoir et le fait de vouloir régénérer la fonction présidentielle ne sont pas des notions nouvelles : ces termes étaient déjà employés du temps de la monarchie. Rien de très moderne ni de très progressiste dans tout cela !

 

Il nous est facile, dans les domaines qui nous concernent, de constater  une dégradation des actions menées par l’Etat. La conception affichée du rôle du Ministère de la Culture se réduit à l’image, à la communication, aux réseaux de l’audio-visuel, aux nouvelles technologies et dans la défense mercantile et « spectaculaire » du patrimoine qui en est la pire des illustrations. Par ailleurs, dans le domaine culturel on laisse dans la misère la recherche, la création et l’archéologie.

 

On nous avait déjà fait le coup avec la fracture numérique en confondant les outils, l’usage que l’on en fait et le sens qu’on leur donne !

 

Quand au Ministère de la Jeunesse et des Sports, dont dépend l’éducation populaire, n’en parlons même pas ! Ce ministère est réduit à une peau de chagrin, il est dans l’incapacité de faire face à ses obligations sportives et éducatives, alors l’éducation populaire ! Elle doit se trouver au fond d’un placard sous quelques vieux dossiers poussiéreux…

 

Etre capable d’analyser sans complaisance le pourquoi des dysfonctionnements et les erreurs commises parfois de bonne foi en voulant faire bien à nos niveaux locaux ?

 

Nous avons vu comment s’est forgé le concept d’éducation populaire et  sa mise en œuvre par les principales associations d’éducation populaire. Permettez-moi d’en faire le tour d’une manière non exhaustive et volontairement rapide, chacune d’elle mériterait une analyse bien plus complète faisant l’objet d’un livre entier ! 

 

La Ligue de l’Enseignement est la plus vielle et la plus structurée car étant une émanation de l’Education Nationale et s’y adossant. Elle s’est retrouvée souvent dans une position dominante, en raison de ses nombreuses antennes et du nombre élevé de ses adhérents. Elle  plonge ses racines, dès son origine, dans la franc-maçonnerie comme d’ailleurs la plupart des fédérations laïques d’éducation populaire, en raison des valeurs qu’elles véhiculent. Elle a vécu plus ou moins bien la création, de nouvelles associations dans son champ d’intervention, bien que le plus souvent mises en route avec son aval et même parfois en pleine complicité, voire conjointement comme pour les Francas !

 

Mais comme organisation la plus puissante (103 fédérations, 30 000 associations locales), elle a subit frontalement et en premier, tous les éclatements idéologiques de la gauche et de l’Education Nationale.

 

De fait, elle est à l’image de l’Education Nationale, bousculée, remise en cause dans ses certitudes par diverses conceptions pédagogiques ainsi que dans son rôle sociétal. Son corpus idéologique  c’est trouvé traversé par de nombreux courants contradictoires allant de la formation aux humanités pour le plus grand nombre à une éducation répondant aux stricts besoins du marché du travail et de l’encadrement des jeunes à la prévention du radicalisme !

 

Toutefois La Ligue de l’Enseignement reste la plus importante association « d’éduc-pop » comme on le dit dans le métier et demeure très attachée à ses valeurs fondatrices qui sont communes à l’ensemble des grandes associations du secteur socioculturel : Les Francas, Peuple et Culture, Léo Lagrange, Foyer Ruraux, Fédération Française des MJC et quelques autres…

 

L’ensemble de ces grandes fédérations et associations a subi également les mêmes déchirements dans leur champ d’activité, souvent complémentaire bien que le pouvoir central, de droite comme de gauche, ait cherché par divers biais à les mettre en concurrence, notamment sur leurs actions de formation BAFA, BAFD, BPJEPS, que celles-ci soient habilitées ou de niveau professionnel !

 

Elles sont toutes confrontées aujourd’hui à la diminution de leurs moyens financiers et à l’abandon de ce secteur par l’Etat.

 

De même, les collectivités locales, avec lesquelles elles signaient de nombreux contrats pour former leurs animateurs de terrain, connaissent des difficultés financières.

 

Cela a commencé par la diminution progressive des dotations de l’Etat, quand celui-ci n’a pas transféré sur elles directement des charges, à l’exemple du RMI (aujourd’hui RSA)  pour les Départements. De même pour l’aide aux conservatoires agréés, y compris lorsque ceux-ci sont des conservatoires à rayonnement national, répondant à des critères étatiques (généralement pas plus de 7% à 8% du budget alors que ce sont les équipements les plus budgétivores) !

 

La formation, comme la culture et le socioculturel, ne sont plus une priorité ! Ce sont donc les premiers secteurs pourvoyeurs d’économies pour les budgets municipaux !

 

Les collectivités territoriales réduisent d’une manière importante leurs financements malgré les besoins en matière de plans éducatifs locaux et de temps périscolaires. Le quasi-abandon de la réforme des rythmes scolaires en est une illustration, bien que n’étant de la part des municipalités, qu’une attitude opportuniste vis à vis des enseignants et des parents, alors que les chronobiologistes sont unanimes sur le bienfait des quatre demi-journées !

 

Cette politique est en contradiction avec le discours dominant, admis par tous, sur l’importance de la formation et de l’acquisition d’une culture générale pour la réussite de chacun et  pour la consolidation d’un socle culturel commun utile à créer de vrais citoyens participant à la construction du « roman national », terme à la mode qu’il faudrait bien revisiter pour en évaluer les méfaits !

 

A ce constat économique déjà affligeant, il faut aussi ajouter la diminution importante des postes d’enseignants détachés et mis à la disposition des associations, la raréfaction des postes FONJEP, la suppression des conseillers pédagogiques du Ministère de la Jeunesse et des Sports et maintenant la suppression des emplois aidés par les régions de droite ! Ce dispositif a plutôt été une réussite dans le secteur associatif, en facilitant l’alternance avec les temps de formation prévus dès l’origine dans la loi, contrairement à ce qui s’est passé dans l’Education Nationale et certains secteurs de l’entreprise privée.

 

Les associations d’éducation populaire sont donc toutes à la recherche de nouveaux modèles économiques pour survivre. En plus, elles ont dû s’adapter à la loi ADOPI et aux réformes territoriales très technocratiques qui déstructurent leurs réseaux de financement voire de leur organisation administrative pour certaines.

 

S’adapter à une vision prospective et favoriser la créativité sociale ?

 

La restructuration de la gauche, partenaire naturelle de ces grandes fédérations, ne semble pas être à l’ordre du jour, de même que l’amélioration de leurs moyens financiers, bien que cette question ne soit pas systématiquement liée à la couleur politique des financeurs.

 

Enfin, il faut bien le constater, les nouveaux élus et pas uniquement les plus jeunes, venus de cette société civile sont, le plus souvent, complètement dans l’ignorance de ce que représente l’éducation populaire, son histoire et ses savoir-faire. Il en va de même dans le domaine culturel, de ses structures, équipements et dispositifs… Le rôle d’un CDN, d’une Scène Nationale, d’une Scène Conventionnée, des besoins en production, de l’importance du financement de la recherche dans ces secteurs, notamment vis avis de l’art contemporain et des musiques actuelles, tout cela est ignoré... 

 

Il faut tout reprendre à zéro et réexpliquer ce qui aurait dû être acquis ou ce qui nous semblait l’être.

 

La mise en place  du Pass Culture est une l’illustration parfaite de la méconnaissance du fonctionnement du secteur culturel par une majorité d’élus.

 

Ce Pass Culture va bénéficier bien évidemment à ceux qui en ont le moins besoin, tant du côté des jeunes que des producteurs de spectacles. Qui va oser le risque artistique quel qu’en soit le domaine ? Ce dispositif ira irriguer  les tenants de la marchandisation de la culture et les « produits culturels » les plus connus médiatiquement, il ne peut en être autrement ! Et à quel coût ! Il s’agit en fait, d’une subvention déguisée aux industries culturelles les plus florissantes qui n’ont nul besoin de cela pour vivre !

 

Il faut donc que l’ensemble des associations d’éducation populaire et les structures du secteur culturel se recentrent sur ce qui fait leur force et se regroupent autour d’une stratégie qui valorise leurs savoir-faire pour mettre justement la société en « mouvement », « en marche », en promouvant cet objectif comme indispensable à l’évolution de notre société, à son fonctionnement au quotidien. En résumé : devenir un réseau de lieux où s’expérimentent par le vécu les nouvelles formes de démocratie sociale.

 

Il est temps de construire un véritable « service public de la culture » au sens large, indispensable à la bonne santé de notre société ! Ce n’est pas le lieu d’ouvrir, à l’occasion de ce texte, un débat médical qui par ailleurs à tout son intérêt, sur les pratiques socioculturelles et culturelles, comme alternative aux médicaments (et là ce ne sont pas des substrats homéopathiques mais bien des génériques). Ces pratiques sont essentielles au dynamisme de notre vivre ensemble et ont en plus, une fonction préventive et prospective.

 

C’est une voie majeure dans la résolution de nombreux problèmes que le politique n’arrive pas à régler à condition de ne pas se faire instrumentaliser. L’ensemble du secteur culturel et socioculturel doit défendre fermement son indépendance comme constitutive de la réussite de ses actions sur le terrain.

 

Le « libéralisme », au sens étroit et réducteur du terme, par son mode de fonctionnement économique les affaiblit de jour en jour inéluctablement.

 

En effet, ces structures sont financées moins pour leurs actions principales objet de leurs statuts, que pour des tâches segmentées et parcellaires.

 

L’Etat et les collectivités locales, que ce soit dans le champ culturel où socio-culturel, financent désormais sur projets, projets mis en concurrence par le biais de la procédure d’appel d’offres, afin de mieux les contrôler.

 

A ce titre il vaudrait mieux utiliser le terme de rétribution plutôt que de subvention. Les associations ne sont plus des partenaires avec lesquels on élabore des politiques de service public dans les domaines de la formation, de l’éducation, de la culture, de la citoyenneté, des loisirs éducatifs, de la découverte des cultures autres, tout au long de la vie et cela depuis la petite enfance, mais de simples prestataires de services.

 

Ils nous faut répondre tous à un cahier des charges le plus souvent non négociable, sur des objectifs de moins en moins clairs et parfois même pas directement de notre ressort, en acceptant de se faire instrumentaliser !

 

Combien de fois, des élus sur le ton de la plaisanterie (mais est-ce vraiment un trait d’humour ?) vous accueillent avec un « Bonjour cher ami, qu’as-tu à me vendre aujourd’hui ! »

 

Les associations, les structures culturelles et éducatives sont devenues de simples prestataires au service de tel ou tel objectif  de politique locale et qui n’est que parfois partagé !

 

Souvent, même dans l’Education Nationale, il s’agit de répondre exclusivement au défi de la sécurité ou du chômage donc du marché, à l’instant T, sans analyse réelle des causes profondes du problème à traiter, ni des besoins évalués et surtout sans vision prospective.

 

Il s’agit de fournir une prestation de bon gestionnaire à court terme pour laquelle il vous faudra fournir un bilan tellement détaillé qu’il demandera un temps administratif budgétivore et énergivore non facturé ! Les associations et structures culturelles en viennent à douter de l’efficacité de ces pratiques à la petite semaine de plus en plus technocratiques et sans effet sur le long terme.

 

Au lieu de favoriser chez chaque individu ses capacités d’adaptabilité, d’intelligence, de compréhension des situations et d’y répondre en s’appuyant sur son inventivité, sa créativité, sa réflexion, son sens de l’ouverture et du collectif, le souci de la commande publique est de coller aux besoins immédiats et de tenter d’y répondre.

 

La société est en manque d’informaticiens, de techniciens, d’ingénieurs, de managers, de formateurs dans le domaine des nouvelles technologies. Tout est mis au même niveau sur le plan de la marchandisation du produit ! Si dans dix ans, il y a saturation dans ces métiers, peu importe ! De toute façon, 50% des emplois seront supprimés à l’horizon 2050 et remplacés par des robots dotés d’intelligence artificielle… Nous verrons bien en temps utile comment résoudre cet afflux de futurs inactifs surqualifiés ! C’est le même constat pour la culture au service de l’expression : des bagages intellectuels pour paraître. La réforme du bac confirme cette évolution.

 

 

Mais il faut dire aussi que l’ensemble des associations d’Education Populaire, des structures socioculturelles et culturelles s’est tiré une balle dans le pied en voulant se sauver économiquement chacune de leur côté. Elles ont ainsi ouvert la voie à des changements de paradigmes qui les ont rendues plus facilement attaquables !

 

De plus, elles ont refusé longtemps les procédures d’évaluation de leurs actions ou en les détournant, en se refermant sur leurs acquis, en n’étant pas ou plus à l’écoute de leurs publics.

 

Elles ont réduit leurs actions pour certaines, à des ateliers qui lorsqu’ils n’étaient pas désuets, pouvaient être organisés par d’autres à moindre coût, notamment par les services municipaux.

 

Certaines structures, surtout dans le secteur culturel se sont refermées dans un élitisme de classe en se coproduisant mutuellement, laissant le soin aux médias de masse d’occuper la partie disponible du cerveau du plus grand nombre comme le souhaitait le dirigeant d’une entreprise d’audiovisuelle bien connue !

 

Elles auraient dû défendre contre vents et marées cette fonction créative de laboratoire, d’atelier des possibles dès la petite enfance car c’est le cœur même de leur fonction.

 

La plupart de ces associations et structures, en laissant de côté l’essence même du «faire avec » dans leur fonction de service public, a failli à leur mission et en paye aujourd’hui le prix fort !

 

Je ne prendrais pour étayer mon propos qu’un seul exemple dans le domaine socioculturel mais il en est une parfaite illustration, celui de la déliquescence des MJC.

 

Un très grand nombre de ces équipements n’a pas su monter son exigence qualitative et s’est laissé enfermer dans un niveau d’amateurisme primaire (le « socio-cu »), sans intégrer les apports de la confrontation vivifiante avec le niveau professionnel.

 

Ce réseau a été dans bien des secteurs précurseur et le point de départ de la carrière de nombreux artistes, créateurs, administrateurs, directeurs de scène nationale, élus locaux… Citons pour mémoire: Bernard Lavilliers, Magma, Patrice Chéreau, Pierre Pradinas, Jacques Higelin, Ariane Mnouchkine, Colette Magny, parmi tant d’autres. L’on peut citer aussi la redynamisation du cinéma en direction de l’enfance, le renouveau du cinéma d’Art et d’Essai par la création de salles indépendantes, la préfiguration de nombreuses  scènes de musiques actuelles… Enoncer les exemples serait trop fastidieux pour étayer cette évidence!

 

Mais à mon avis, la plus grande erreur, qui a contribué à décrédibiliser ce réseau, c’est d’avoir accepté sans aucun recul d’être une courroie de transmission des partis politiques et de se laisser instrumentaliser.

 

Le réseau des structures Léo Lagrange étant l’illustration la plus caricaturale de cette fonction de courroie de transmission, en l’occurrence du Parti Socialiste, alors que les équipements et les personnels de cette fédération ont très souvent fournis un travail remarquable. 

 

Que les associations soient traversées par divers enjeux idéologiques, rien de plus normal ! C’est même leur principale fonction de permettre le débat, les échanges et le dialogue. Ces débats doivent pouvoir s’exprimer et vivre  dans des lieux permettant  l’expérimentation du réel par le vécu.

 

Les politiques républicains de droite comme de gauche ont sciemment participé à l’affaiblissement de l’éducation populaire, voire objectivement contribué à sa destruction.

 

Ils ont, dans un premier temps, instrumentalisé ces réseaux puis ont  municipalisé progressivement leurs structures. Le premier architecte de ce massacre fut comme nous l’avons déjà dit, Joseph Comiti, secrétaire d’état à la Jeunesse et aux Sports de 1968 à 1974.

 

De ce temps date le début des municipalisations des MJC par des villes, toutes tendances confondues, politique qui fut contesté minoritairement au sein de la FFMJC par le regroupement des « MJC en lutte ».

 

C’est au titre de cette expérience et de la lutte de la MJC de Courbevoie qu’André Santini, par exemple, comprenant l’importance de la formation des animateurs, créera l’IFAC en 1975.

 

Une scission donna naissance à l’UNIREG, fédération se disant autonome mais acceptant de fait le contrôle municipal sur ses structures adhérentes.

 

La FFMJC, proche du Parti Communiste, analysant fort mal ce qui se passait d’un point de vue stratégique, se contentant de la création de deux fédérations (l’une dite de gauche et l’autre automatiquement de droite), était elle même très réticente à l’autonomie des Conseils  d’Administration face au pouvoir politique.

 

Il faut dire que de nombreuses municipalités communistes avaient fermé et/ ou municipalisé leurs équipements. Cette situation réduira aussi l’influence du Parti Socialiste dans ce secteur, car ses militants se retrouvèrent dans les deux Fédérations, démontrant ainsi leur faiblesse idéologique, qui se révèlera dramatique plus tard, au moment de l’émergence les courants autogestionnaires de la nouvelle gauche. En cas de changement de majorité municipale, lorsque l’ancienne majorité se retrouvait dans l‘opposition, elle n’avait plus aucun tissu associatif pour rester en prise avec une partie de la population.

 

La FFMJC fit tonner ses principaux idéologues qui, à l’image de l’école du « Parti », tenaient la formation des cadres, notamment Jean-Claude Wallach (le responsable à l’époque de la formation des professionnels). Ce responsable venait affirmer dans lesAssemblées Générales des associations en lutte et aux Conseils d’Administration qui défendaient leur autonomie face aux pouvoirs politiques, qu’ils étaient en train de détruire leur outil de travail !

 

Ces Conseils d’Administration défendaient d’ailleurs et souhaitaient sincèrement la présence de ces représentants politiques locaux au sein des CA, minoritaires mais participatifs afin d’éviter toute forme de cogestion.

 

C’eut été de leur part accepter l’établissement de contre-pouvoirs, ce qui était, à cette époque impensable ! Comme le démontrera l’évolution de la société, qu’elle soit dirigée par la droite ou par la gauche, sur le plan local ou national ! L’expérience la plus avancée à cette époque restant celle du GAM de Hubert Dubedout à Grenoble qui malheureusement se termina tristement ! Mais revenons à notre exemple des MJC…

 

Le Délégué Général des MJC de cette époque, Marc Lacreuse, était quant à lui plus ouvert, mais surtout doté d’une réflexion théorique bien plus solide et essayait de son côté de préserver l’avenir, ayant compris les enjeux qui se jouaient vis à vis d’une démocratie réelle, même s’il ne pouvait approuver les pratiques autogestionnaires, compte tenu de sa position tant à la FFMJC qu’au PCF et au syndicat des directeurs de MJC.  

 

On retrouvera en 1995 Jean-Claude Wallach à la tête d’un cabinet  de conseil en stratégie auprès des collectivités locales, travaillant pour la droite  auprès de Marie-France Poncet maire adjointe à la culture Agen  et Présidente de la Commission des Musiques Actuelles de la FNCC, en prônant la mise en concurrence des projets et les procédures d’appels d’offres !

 

Marc Lacreuse quittera la FFMJC et prendra d’importantes responsabilités en tant que Directeur des Affaires Culturelles dans différentes collectivités locales durant plusieurs années, puis au département de Seine-Saint-Denis. Il restera fidèle à son militantisme en essayant de mener des politiques réellement de gauche, d’une manière non sectaire et en payera aussi le prix à son niveau.

 

Après 1981, dans les villes tenues par la gauche, de nouveaux élus et des chefs de service, sortant des rangs de l’éducation populaire, prirent des responsabilités. Conscients du fait que les structures d’éducation populaire étaient des lieux de réflexion et de contestation, ils ont accentué le mouvement de municipalisation de ces équipements car ils redoutaient de subventionner des contre-pouvoirs… Le politique qui a reçu l’onction des élections ayant toujours raison, il se sent détenteur de la vérité puisque parlant au nom de la majorité : c’est à lui  d’entreprendre et de « faire pour » le bien du peuple !

 

Le « bien du peuple » est une notion  qui mériterait à elle seule tout un développement, renvoyant au fonctionnement du chœur dans la tragédie grecque, dans lequel le coryphée est désigné organiquement par le chœur pour dialoguer avec les dieux qui détiennent les pouvoirs, à l’inverse de nos représentants actuels qui décident par eux-mêmes que c’est un métier et qu’ils en ont la capacité !

 

A partir de cette période il n’a plus été question et  encore moins d’actualité à droite comme à gauche  de « faire avec ».

 

L’objectif, pour la plupart des villes de droite comme de gauche, fut de contrôler et d’étouffer toute velléité d’indépendance des corps intermédiaires qu’elles finançaient. Plus question de dialoguer sur les finalités de leur action. Nous étions passé à l’ère du « faire pour ».

 

Pour mémoire, rappelons dans le domaine de la culture et du socioculturel, les fermetures de la Maison de la Culture de Nevers, la politique menée par le prédécesseur de droite de Jean-Marc Ayrault à Nantes, licenciant tous les personnels culturels de la ville : une sacré économie pour l’époque ! Rappelons la fermeture à Paris, de la MJC-Théâtre des deux portes et de l’emblématique MJC du 74 de la rue Mouffetard, « La Mouffe », actuellement l’excellent théâtre de la marionnette… Il aura fallu à la mairie d’archi-droite de Courbevoie plus de 25 ans et une loi qui n’avait rien à voir avec son activité, pour expulser la MJC de Courbevoie, dite  « l’Insoumise », en la privant de son droit d’occupation des locaux et municipaliser le cinéma d’Art et d’Essai qu’elle avait créé de toutes pièces.

 

Parallèlement, on a assisté à un mouvement de création de structures municipales dans le secteur culturel, les Conseils Municipaux allant jusqu’à valider en séance les programmations !

 

Pendant que dans  les structures institutionnelles cogérées avec l’État, celui-ci avaient amorcé un lent processus de désengagement financier en abandonnant son rôle de régulateur, des baronnies se créaient qui étaient persuadées chacune de détenir les meilleurs artistes et d’être  les plus performantes à tous les niveaux, tout en se refermant sur des missions locales et en s’appuyant sur des Conseils d’Administration fermés à la botte des élus locaux !

 

Cela perdure jusqu'à ce jour… Nombre d’exemples pourraient étayer ce constat, notamment dans le département ou je vis et ai exercé plus de 20 ans. A Taverny, Florence Portelli est une maire programmatrice de musique et chef de service (c’est le seul domaine qu’elle prétend maîtriser…). A peine nommée à la présidence d’ARCADI, la région Ile-de-France en annonce son retrait et sa dissolution. Cette agence fut essentielle pour l’aide à la création et à la diffusion, comme toutes les agences du même type sur le territoire national. Elle avait pourtant été créée à l’origine par un pouvoir de droite… Les politiques n’hésitent même plus à détruire ce que ils ont mis en place et ne laissent même plus le « sale boulot » à l’opposition au moment de l’alternance ! Certes, il y avait certainement de la rationalisation à apporter pour être gentil dans cette structure qui consommait près de 30% de son budget en frais de fonctionnement… Mais de là  à dire qu’elle ne correspondait plus aux besoins et que cela coutait trop cher, c’est encore une méconnaissance  du tissu culturel régional !

 

Ce mouvement de régression ne s’est pas ralenti, tant dans le secteur culturel que socioculturel tout en favorisant bien évidemment les  oppositions entre les différentes institutions, souvent mises en concurrence afin de diviser pour mieux régner !

 

Avec les baisses de dotations aux collectivités locales, l’État a donné des arguments aux équipes municipales pour fermer de nombreuses structures dont des MJC mais aussi pour retirer des conventionnements importants à des théâtres qui faisaient un travail remarquable, en avançant le prétexte de l’élitisme. Encore très récemment rappelons le sort des MJC d’Herblay, de Savigny-sur-Orge, de Gelos Rive Gauche, de Chilly-Mazarin, d’Aubagne, des théâtres de Chartres, de Saint Herblain, du  TGP de Frouard… Rappelons aussi les réductions budgétaires imposées à la Scène Nationale de Chambéry entrainant un important plan de licenciement et l’on pourrait là encore faire une longue liste !

 

Parallèlement, les Centres Dramatiques Nationaux ont eu tendance à se replier sur eux mêmes dans une politique tournée vers les initiés, politique que d’aucuns qualifieront la encore d’élitiste, en s’éloignant de plus en plus des conceptions de Jean Vilar, de la culture et des impulsions de Jeanne Laurent.

 

Ce repli se traduira dans la composition de leurs Conseils d’Administration installés au sein d’associations fermées avec des administrateurs cooptés et nommés par les financeurs institutionnels qui y siègent.

 

Il faut dire que Mai 1968 était venu bousculer leurs responsables et leurs certitudes. Ils ont eu beau prendre position dans un texte commun venu bien tardivement après le début du mouvement, proclamation formelle jamais mise en pratique !

 

On peut analyser les mouvements de contestation vis à vis de Jean Vilar en 1968 en Avignon, la création du festival Off  et l’occupation du Théâtre de l’Odéon à Paris comme un rejet de la culture institutionnelle.

 

Guy Debord et les situationnistes avaient formulé dans « La société du spectacle » et dans les cahiers de L’Internationale Situationniste, une critique radicale de la société et de la production intellectuelle dans tous ses champs d’expression, critique qui reste de nos jours particulièrement pertinente et d’actualité : « Faites de vos vies une œuvre d’art permanente et ne réifiez pas vos productions en objets de consommation. »

Des les année 1950, les situationnistes, pétris de culture hégélienne, prônaient déjà une révolution culturelle qu’il serait grand temps d’entreprendre car les fétichismes de la marchandise n’ont jamais été aussi nombreux…

 

Ils avaient l’art et la manière de  détourner et de piller des concepts importants, et alors ! Mais surtout, ils avaient une vraie vision de l’émancipation, n’opposant jamais l’enrichissement des singularités individuelles à la création d’un nouveau vivre ensemble, plus libre, plus respectueux de tous. D’où leurs nombreuses scissions et leur dissolution volontaire pour permettre une réinvention permanente.

 

Parallèlement à cette époque, ce ne seront pas les divers courants esthétiques découlant du gauchisme comme la Nouvelle Figuration, la Figuration Libre et les autres chapelles qui s’édifieront en grand nombre, reflétant  l’éclatement des idéologies, qui changeront quoi que se soit dans le rapport de l’art avec les publics.

 

Les œuvres et les artistes qui ne continueront à s’adresser qu’aux initiés et leur perception élitiste par le plus grand nombre n’y changeront rien ! Les uns furent récupérés par le marché de l’art et les autres intégrés aux institutions.

 

Les courants post-modernes, en raison de leur dérive financière parachèveront la rupture avec les tenants de l’Education Populaire !

 

Ce qui est un paradoxe et une réalité bien triste au vu de la qualité, de la richesse artistique et créative de toute cette période de la fin de année 50 aux années 80 qui coïncident avec ce que l’on appelé les « trente glorieuses », sorte d’âge d’or de l’économie, ce qui n’est pas un hasard.

 

L’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 et de Jack Lang à la Culture a pu faire croire à une forme de démocratisation et de réactivation des liens entre Culture et Education Populaire mais à aucun moment il ne fut tenté de combler le fossé qui les séparait !

 

Contrairement à ce qui est affirmé par certains tenants de la droite, la démocratisation culturelle ne fut pas un échec mais elle reste inachevée. Comme la Démocratie, ce n’est jamais acquis une bonne fois pour toute, c’est un combat permanent.

 

La décentralisation culturelle s’est effectuée surtout en direction des classes moyennes, celles-ci comprenant l’importance de doter leurs enfants d’une culture générale indispensable à leur réussite sociale. Il faut souligner pour être juste, les dispositifs scolaires d’éducation artistique qui ont touché une frange notable des jeunes issus des classes sociales moins aisées. Mais là encore, les moyens de ces actions ont été divisés par cent, que ce soit au Ministère de la Culture ou de la Politique de la Ville et quasiment jamais utilisés à l’Education Nationale en direction des structures culturelles, malgré la signature régulière de conventions tripartites entre les divers Ministères concernés (avec Jack Lang, Catherine Trautmann, Catherine Tasca, Frédéric Mitterrand et cela continue….)

 

Toutefois le paysage culturel a, qu’on le veuille ou non, beaucoup évolué du fait du doublement du budget alloué à la culture depuis 1981 !

 

Les Centres d’Action Culturelle (CAC) ont été créés en 1967 et se sont développés à partir de 1969. En 1990, est institué le statut de Scène Nationale regroupant aujourd’hui près de 80 établissements (à l’époque 8 MC, 25 CAC et 25 CDC). Les salles de cinéma d’Art et d’Essai indépendantes et associatives se multiplient à partir de 1975. On peut considérer que les 30 années de 1975 à 2005 furent en France l’âge d’or des politiques culturelles. Sans compter un nombre important de scènes conventionnées, de centres d’arts contemporains et d’ouvertures de musées, de maisons des musiques actuelles, de conservatoires et de bibliothèques en pleines réflexion sur leurs rôle, impactées directement par l’avènement du numérique… Il est donc de plus en plus important et urgent que le plus grand nombre de citoyens puissent se les réapproprier !

 

Parallèlement à ce mouvement d’expansion culturelle en terme de diffusion qui a surtout bénéficié aux classes moyennes et supérieures, instrumentalisant ainsi ce champ d’action au service de la réussite de leur progéniture, on assiste à la fragilisation des structures et au recul des pratiques d’Education Populaire.

 

Nous constatons aussi un recul des formations en direction des élus. Ils n’ont plus besoin d’être formés, ils sont de droite comme de gauche au pouvoir alternativement donc tout va bien !

 

A quoi sert-il aussi de former des animateurs dans les collectivités territoriales puisqu’ils sont à notre service et qu’on les a embauchés dans nos rangs ! Et c’est pire quand celles-ci ne font pas appel au « grands frères » pour acheter la paix sociale et la sécurité dans les quartiers réputés difficiles !

 

Les municipalités abandonnent d’une manière de plus en plus évidente les structures qui créent du lien social dans les quartiers, lieux de dialogue et de formation des citoyen et éminemment régulatrice sur le terrain !

 

Les quartiers sont de plus en plus livrés à eux même et abandonnés aussi par les Services Publics les plus indispensables !

 

On ne doit pas s’étonner de la perte de sens de ce que représente le service public, qu’il soit de la culture ou de toute autre nature. Pour la grande masse des citoyens, le Service Public est vidé de toute réalité objective! Alors, pourquoi payer des impôts pour entretenir des structures inutiles n’ayant pas démontré leur efficacité…

 

Et pourquoi ne pas céder toutes ces structures au secteur privé et aux sponsors, sur appels d’offres, au mieux disant et sur projet ? Plus de subventions, rien que des économies et une « saine gestion » !

 

Ces politiques sont actuellement mises en œuvre et sont, nous en sommes convaincus, vouées à l’échec ! Ces politiques font le lit des populismes de gauche comme de droite, n’importe quel observateur,  même non militant vous le confirmera.

 

Des républicains de gauche comme de droite, même s’ils ne formulent pas encore clairement ces constats et surtout pas dans les mêmes termes faute d’en analyser objectivement les causes, pointent le désengagement de nombre de leurs administrés dans la vie sociale.

 

La tendance est à la consultation tout azimut : conseil de quartier, conseil de jeunes, conseil des anciens… Les assemblées d’information se multiplient au plus près des citoyens mais ceux-ci ne sont appelés qu’à donner leur avis, un point c’est tout.

 

Le concept de « démocratie participative » fait florès. Dans le même temps, les municipalités remplacent les structures qui fonctionnaient sur des principes démocratiques par des structures sans aucun pouvoir (maisons de quartier municipalisées, centre sociaux clos à la vie associative, services civiques, conseils citoyens, conseils de quartier, conseils de la vie associative…etc.) Il ne faut plus dans ce cas s’étonner du désengagement des citoyens de la vie publique !

 

La mise en place d’une politique culturelle cohérente n’est même plus la ligne de partage ou le crible entre la droite et la gauche. Il y a autant de villes d’un bord et de l’autre qui  montrent un réel dynamisme sur ce plan ! Les cartes sont brouillées à tous les nivaux.

 

Sur un département comme le 95 celui dans lequel je vis et ai travaillé, il y a autant de villes de gauche que de droite qui sont dynamiques sur le plan culturel et même davantage à droite car la bourgeoisie locale, comme je l’ai déjà fait remarquer, a intégré le fait que la réussite de leurs bambins passe par l’acquisition d’une culture générale la plus large possible ou instrumentalise la culture comme cautère sur une jambe de bois pour tenter de résoudre les problèmes dus aux tensions sociales dans les quartiers.

 

Cela se vérifie dans la répartition géographique autour de l’axe principal de la A-15 desservant les villes de cadres moyens et supérieurs. Elles sont toutes suréquipées, voire se mettent en concurrences sans aucune réflexion sur la notion d’aménagement territorial ou de zone de chalandise sur le même segment de proposition culturelle !

 

Alors qu’à l’est du département, là où les villes sont le plus paupérisées, les populations n’accèdent pas aux mêmes services et biens culturels, nous constatons un sous-équipement évident, en dehors de Garges-lès-Gonesse (parfaite illustration d’une ville de droite dont la politique culturelle pourrait être revendiquée par une ville de gauche) et des villes communistes dotées de moyen très modestes.

 

Le comble des dérives d’instrumentalisation de structures culturelles ou socioculturelles que je dénonce et pour illustrer mes propos est la Communauté d’Agglomération de la ville nouvelle de Cergy, conçue par les jeunes technocrates du PS  dans les années 80 et qui n’affichait depuis des années aucune cohérence de politique culturelle territoriale et  encore aujourd’hui en dehors de la Scène Nationale qui se veut être la vitrine brillante de leurs conceptions dans ce domaine !

 

A ce titre ils veulent, d’ailleurs, encore plus recentrer son action au service de leur politique sous le prétexte d’être bien évidemment plus proche de leurs administrés !

 

De fait en étant et c’est nouveau les principaux financeurs de la Scène Nationale, ils partent du principe, bien connu, que c‘est celui qui paie qui contrôle.

 

Aussi comme le démontre l’édito du président de l’agglomération distribué dans le programme annuel de la structure, rompant ainsi avec une tradition de la non allégeance de ces équipements à « pluri-financement » à tel ou tel partenaire ; ils cherchent dis-ai-je à l’instrumentaliser de fait à des fins politiques et à sa propre réélection !

 

En réduisant au strict minimum les collaborations patiemment tissées depuis des années par son ancien  directeur  qui venait, comme par hasard, de l’éducation populaire, cet équipement signe sa rupture avec le reste du territoire. Il maintient certes certaines actions pour tout de même justifier des fonds publics qui lui sont alloués par le Département, la Région et l’Etat et qui sont inscrites à son cahier des charges en espérant secrètement pouvoir toutes les absorber à terme !

 

Pour moi son appellation a changé d’une manière significative, s’intitulant désormais « Nouvelle Scène Nationale », c’est un peu comme « la nouvelle cuisine » avec une trentaine d’années de retard au lieu de « l’Apostrophe, scène nationale de Cergy-Pontoise et du Val d’Oise » !

 

Les maires et les élus du département se méfient de l’hégémonie de Cergy comme d’ailleurs du spectacle vivant et de ses contenus, ainsi que des musiques actuelles. Ils préfèrent  mettre en avant la musique classique et le patrimoine pour des raisons idéologiques évidentes.

 

Mais ces élus du Val d’Oise, pris individuellement, sont humainement assez remarquables et fort sympathiques. Ils reflètent parfaitement la situation nationale de ces hommes et femmes qui essayent de faire de leur mieux durant leur mandat.

 

Par ailleurs, ce département a fourni un nombre important de figures nationales : Jérôme Chartier, Dominique Strauss-Kahn, Robert Hue,  Jean Pierre Parny, Jean-Paul Houillon, Alain Richard, Dominique Gillot et même le prétendant à la mairie de Barcelone qui a commencé sa carrière politique dans le Val d’Oise comme secrétaire fédéral du PS…

 

De droite comme de gauche, en dehors des énarques, ils sont pour la plupart enseignants, d’où l’importance des bibliothèques sur le territoire, de la mise en valeur du patrimoine très riche sur le Val d’Oise et de la présence de la musique classique et des conservatoires, priorité affiché du département.

 

Il y a pour tous ces élus la volonté et le plus souvent sincèrement, de vouloir intégrer le plus grand nombre aux bonnes habitudes de nos élites, par assimilation, notamment par la défense des valeurs de notre culture savante, de la culture de ceux qui ont réussi socialement !

 

Nous avons tout juste le droit avec « beaucoup de modération » lorsque l’on dirige un service culturel de s’interroger sur l’efficacité de la priorité du livre et de la musique classique en direction de publics ayant quelques difficultés et d’origines très diverses…  

 

Est-ce la manière la plus rapide de faire accéder ces publics à des outils émancipateurs ? N’y aurait-il pas d’autres chemins de traverses pour développer l’imagination et la créativité de ces publics, au service de tous et du vivre ensemble !

 

Il ne s’agit pas d’enfermer les quartiers réputés « difficiles » dans la seule culture du « slam » et du « hip hop », les populations qui y vivent doivent aussi pouvoir accéder à l’excellence, mais nous en sommes certains, d’autres passages et d’autres outils existent.

 

Ne faut-il pas d’abord leur donner la possibilité de goûter par le plaisir, grâce à des méthodes développées notamment par l’éducation populaire.

 

Que faut-il entreprendre pour remettre en marche notre société avec quelles méthodes et quels moyens ?

 

Un changement de paradigmes est nécessaire, passant par la rupture avec les valeurs néo-libérales actuellement mises en avant par le pouvoir avec  sa théorie qui n’a jamais fonctionnée du « ruissellement »  et du « premier de cordée » qui tire le plus grand nombre.

 

Le problème central, c’est la remise en cause de la notion de pouvoir.

 

Des  contre-pouvoirs  sont nécessaires dans toute Démocratie. Accepter des contre-pouvoirs, ce n’est pas nier la notion d’autorité, bien au contraire, c’est lui redonner tout son sens parce que ceux qui détiennent le pouvoir démocratiquement auront sût être à l’écoute, donc seront reconnus et  respectés. Comme dans le Chœur de la tragédie grecque avec le coryphée, ils seront de véritables élus et probablement évalués et changés plus régulièrement.

 

Il faut revenir à des structures associatives autogérées, présidées et administrées par des conseils élus, réellement autonomes des pouvoirs politiques. Dans ces structures, les politiques sont présents pour vérifier l’utilisation de l’argent public et le bon fonctionnement démocratique des  instances en participant pleinement à l’élaboration des projets. Ce sera  pour eux l’occasion de confronter leurs demandes, leurs besoins et leurs points de vue avec ceux qui sont sur le terrain dans un vrai travail de co-construction.

 

Ces Conseils d‘Administration doivent être des lieux d’évaluation permanente  des actions menées et de ceux qui les conduisent. Les professionnels, les experts  peuvent y exprimer les choix qui ont présidé à leur action.

 

Il faut revenir sur la séparation entre le socioculturel et le culturel, structurellement comme administrativement et donc réintégrer l’Education Populaire dans la Culture.

 

Il ne faut pas mépriser les pratiques amateurs et même les revaloriser à condition que celles-ci acceptent de se confronter aux pratiques professionnelles. Le rôle des animateurs consiste d’ailleurs à faciliter ces rencontres grâce à des formations de haut niveau.

 

Il faut recréer des structures laïques transversales, de rencontre et de dialogue dans les quartiers. Celles-ci permettront à tous de se sentir libre et non instrumentalisé et ce, dès la petite enfance, d’une manière intergénérationnelle.

 

Je prêche pour la généralisation des FAB LAB (sortes Laboratoires de fabrication) territoriales de proximité, autogérées, sortes de lieux laboratoires de recherches et d’expérimentations de la créativité sous toutes ses formes et de pratiques démocratiques. Ils comprendraient des lieux de convivialité, de rencontre, d’entraide, de débat sur tous les problèmes de la société, l’écologie, la transition énergétique mais aussi l’économie et la politique. Ils seraient dotés de moyens de communication, d’administration, de conseil, d’ateliers de fabrication, de création, d’expression, de radio web locales. Ils mèneraient des actions de formation permanente pour tous, dès la petite enfance et tout au long de la vie. Ces lieux devraient évoluer et se modifier en fonction des besoins exprimés localement. Leur architecture devrait rendre possible les évolutions dans le temps. Ils seraient mis en réseau pour être en prise avec tout ce qui bouge dans l’environnement local et mondial, en phase avec les possibilités techniques de notre époque. Ces équipements devront être accompagnés et coordonnés par des professionnels de haut niveau.

 

Si l’on considère que la culture pour des citoyens dotés de sens critique est essentielle pour remettre la société en mouvement, il est indispensable que les acteurs complémentaires à l’Éducation Nationale travaillent ensemble en pleine harmonie.

 

Les moyens nécessaires à cette tâche vont bien au-delà des 1% du budget de l’Etat alloué à un grand Ministère de la Culture réintégrant l’éducation populaire, mais bien vers son triplement, car comme je l’ai fait remarquer, c’est un véritable investissement créateur d’emplois et d’inventions.

 

Il conviendrait de rééquilibrer au sein de ce ministère la part allouée à l’audio-visuel (qui absorbe aujourd’hui 70% du budget) et au patrimoine. L’effort budgétaire devrait aller davantage sur l’innovation, le spectacle vivant, la création, la recherche et la formation des professionnels et bien évidement l’Education Populaire et les pratiques amateurs.

 

On devrait former des administrateurs capables d’être au service de projets ambitieux et pas uniquement gestionnaires de la pénurie parce qu’ils comprendront le sens de leur action et le contenu des projets.

 

Il s’agit de remettre l’économie au service du projet de société et non l’inverse comme le prône l’économie libérale.

 

C’est d’ailleurs parce que la société retrouvera un sens à son évolution que globalement elle se mettra en mouvement.

 

Il n’y a pas d’autre développement possible de nos sociétés que dans la compréhension entre les peuples, que dans la construction d’une Europe au service de tous, que dans la réduction des inégalités et la prise de conscience écologique.

 

On ne fait pas avancer  une société par la contrainte  mais au contraire en lui proposant une dynamique, un rêve, une utopie raisonnable et tangible en lui redonnant la notion de plaisir et non en la culpabilisant…

 

 

Bernard Mathonnat

 

 

 

 

 

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